Rencontre Annuelle entre la Tribu et la Lame Impériale [pV]

[ Message spécialement droit et non en italique pour toi Constance :p ]

[ Viens de là ]

Après s'être changé et avoir passé la tunique bleu nuit et le long manteau noir qu'il avait passé avant pour le rendez vous avec Konrad. Il avait bien sûr laissé tomber le bandeau qui protégeait d'ordinaire son visage. La rencontre avec l'Impératrice le mettait mal à l'aise. Au fond, il se demandait si elle ne le détestait pas purement et simplement. Après tout les différentes Compagnies n'étaient qu'une entrave à son monopole de Neven... Doucement, il montait les escaliers qui le séparaient du premier étage. Il retraversa l'ensemble de son quartier général. Au quatrième, l'hôpital, ou plutôt la clinique du QG... Il n'y avait récemment pas de grands blessés au sein de la Tribu et les médecins qui n'étaient pas les meilleurs, mais pas les pire de Neven, n'avaient pas à se plaindre de la charge de travail. Parfois certains hommes revenaient avec des blessures profondes mais toujours facilement soignables. Enfin une chose était sûre, les blocs opératoires n'avaient pas servis depuis un petit moment et c'était tant mieux. Aaron salua au passage quelques uns de ses hommes et continua sa montée.

Le troisième sous-sol... L'étage le plus important de la Tribu s'il en était un... Encoder, Décoder, Briefer, Analyser... Telles étaient les fonctions de cet étage. Préparer les hommes à leurs mis Asions mais aussi, et le plus important, étudier les différentes conversations que la Tribu interceptait afin d'avoir une idée de ce qui se passait autour d'eux. Après tout, si quelqu'un décidait d'attaquer la Tribu, il était essentiel que cette dernière le sache aussi, peut-être même avant que ce dernier n'ait l'idée de le faire... Aaron eut un sourire en pensant à cela.. Oui ce serait l'idéal... Etre capable d'anticiper jusqu'à un point où l'adversaire n'aurait même pas encore pensé à un coup que l'on peut déjà le parer... Saluant quelques uns de ses cryptographes, Aaron continua sa route.

Le Deuxième sous-sol... Immédiatement les derniers souvenirs revinrent. Pour son plus grand bonheur en fait. Ce qui venait de se passer était presque surréaliste pour lui, et il se demandait s'il n'avait pas rêvé. Il voyait encore Aldéarane... Oui, il en était sûr, il l'aimait... Depuis le premier combat, depuis cette fameuse nuit où ils s'étaient battus tous les deux, l'un contre l'autre, puis ensemble, face à ce fameux commanditaire... Dont il ne connaissait toujours pas le nom, ou plutot la faction. Aaron n'avait pas dans l'idée d'appliquer des représailles qui mettrait un frein à l'expansion de la Tribu, mais au moins il saurait de qui se méfier. Enfin, dans son cas, il fallait surtout se méfier de tout le monde... Aaron eut encore des pensées pour Aldébarane, quoi de plus normal me direz vous, mais il devait les garder au plus profond de lui-même, ne le laisser transparaitre que pour elle, et elle seule. Si certains venaient à l'apprendre sur qu'ils le prendraient comme une marque de faiblesse et tenteraient d'en jouer, mais Aldébarane savait se défendre et de ce côté là, Aaron avait l'esprit tranquille.

Montant encore quelques marches, il arriva au premier sous-sol. Uniquement constitué des quartiers de ses hommes, il les traversa en silence respectant le sommeil de ces derniers. Il arriva ensuite au rez-de-chaussée où deux "hommes" faisaient la garde derrière la porte et attendaient surement Constance. Il les salua et leur dit d'accompagner Constance au bureau adjacent à celui de tout à l'heure. Ils le saluèrent et acquiescèrent. Aaron monta en silence les dernières marches qui le séparaient de l'étage de ce fameux bureau. Lorsqu'il entra, la décoration était en tout point semblable à l'autre bureau, mais un autre Cryptex tait sur la table. Il le prit dans ses mains et vérifia qu'il s'agissait du bon cryptogramme. C'était le bon... Il le reposa sur le bureau et se dirigea vers la fenètre qui donnait sur la rue... Constance n'allait pas tarder, l'on était au beau milieu de la nuit... La rencontre la plus difficile de la soirée était sur le point de commencer...

[Merci, j’apprécie l’attention ^^]


Les nuits étaient fraîches à cette époque de l’année, le vent hurlait dans les ruelles et faisait s’agiter quelques restes de haillons abandonnés là par leurs anciens propriétaires pour une raison ou pour une autre. Souvent une raison liée de très près à quelque violence. Pourtant le temps maussade et la petite pluie glacée qui s’insinuait partout n’étaient pas ce qui retenait les (plus ou moins) honnêtes citoyens de Neven chez eux par cette soirée typique de l’automne au Cœur de l’Empire. Les derniers mois avaient vu plus que leur quota d’altercations entre civils et mercenaires…
Ces sombres pensées trottaient dans la tête de l’Impératrice alors qu’elle marchait à grands pas vers la réunion prévue avec la Tribu de la Lune. Elle ne pouvait pas s’empêcher, pourtant, d’éprouver une certaine satisfaction de voir les rues ainsi désertes. Cela lui permettait de se rendre au rendez-vous à pieds, ce qui était infiniment mieux que de prendre un de ces horribles attelages encombrants et cahotants. Au grand dam de ses gardes du corps, c'est-à-dire les quatre Dragons en armure complète qui formaient un rempart d’acier à l’instant même, elle avait même refusé de monter à cheval. Leurs regards emplis d’incompréhension lui avaient à peine arrachée l’ombre d’un sourire. Autrefois elle se plaisait à prendre à contre-pied les attentes des ses sujets, mais la répétition a raison de tous les petits plaisirs de la vie : elle attendait maintenant avec impatience que ces soldats s’habituent à ses manières une bonne fois pour toute. D’ici quelques mois pour les plus vifs, sans doute.
Elle soupira et allongea le pas. Les hommes d’armes maintinrent aisément l’allure avec l’ombre plus petite que constituait la Dame. Elle portait en effet par-dessus ses atours habituels une fine cape noire qui couvrait son visage et sa silhouette ainsi que sa longue robe blanche. Un observateur attentif eut pu s’étonner de découvrir qu’aucune trace d’humidité ne maculait l’étoffe précieuse mais sans ostentation.
Il y avait d’autres raisons au silence qui régnait dans les rues et à leur vide quasi surnaturel. Avec l’Automne revenait la saison des Lunes D’Ombre et toute la ribambelle d’étrangetés qui l’accompagnait. Les habitants de Neven se savaient plus en sécurité chez eux. Même les mercenaires et autres assassins feraient mieux de rester à boire tranquillement dans une des nombreuses auberges miteuses de la ville. Peut-être le moment était-il venu de laisser sortir ses petits amours dans la ville comme autrefois. Personne ne sortait de toutes façons, à part un occasionnel ivrogne que personne ne regretterait, les quelques malfrats qui, s’ils disparaissaient, n’auraient que ce qu’ils méritent, et bien entendu quelques démons aux desseins secrets. Ceux là seraient des proies parfaites pour la meute… Constance se promit de réfléchir à tête reposée à cette possibilité.
Pour l’heure, des considérations plus immédiates s’offraient à elle. A vrai dire, l’Impératrice elle-même avait considéré la possibilité de ne pas se rendre à son rendez-vous en personne. L’année passée, celle qu’elle avait envoyée à sa place s’en était très bien sortie tout en agaçant suffisamment le maître de la Tribu pour rendre la situation instable. Même si la Dame aurait préféré éviter l’incident diplomatique, elle appréciait particulièrement de remuer la vase jusqu’à ce que quelque chose d’intéressant remonte à la surface. Dans le pire des cas, cela suffisait à obscurcir les choses et à noyer le poisson.
Quelque chose, malgré tout, aujourd’hui, l’avait poussée à se déplacer au lieu de recourir à une ruse ou à la magie. La frustration qu’elle éprouvait de n’avoir pu tirer une réponse claire du Tarot des Dragons, peut-être. Ou alors la venue plus tôt dans la journée de ce traître de Konrad. Sans doute un mélange des affaires d’état, des deux événements précédents et de l’insistance des prêtres à s’immiscer dans les affaires de l’Empire. Elle aurait du laisser Sandalath les faire rôtir, ceux-là…
Aller voir la Tribu était pour le moment bien plus agréable que de rester enfermée, même si elle entretenait des doutes quant à cette organisation. Si elle respectait le travail d’espionnage et les capacités des membres, elle fronçait volontiers les sourcils sur leurs activités d’assassins et n’appréciait pas outre mesure d’avoir ce genre d’énergumènes en liberté dans sa capitale : elle les surveillait de près. Avoir un second service de renseignement en plus de celui de l’Empire était agréable, mais elle n’avait pas confiance.
Elle ne pouvait pas laisser ce genre de groupe à la disposition des compagnies de mercenaires sans contrôle, et c’était la raison pour laquelle elle était là ce soir. Autant avoir une idée de ce que les autres étaient capables de collecter pour mieux pouvoir les contrer.
Tandis qu’elle ruminait ces pensées, l’Impératrice, accompagnée de ses gardes du corps, était arrivée au lieu de rendez-vous. Le bâtiment était ancien et avait du appartenir à un riche propriétaire. L’entrée était éclairée. Visiblement, elle était attendue.
Un bref coup d’œil suffit à intimer aux Dragons l’ordre de le répartir les différentes voies d’accès et de monter la garde dehors. Constance fronça les sourcils : avec les vrais vétérans de sa garde, ce coup d’œil même aurait été superflu. Voyant les soldats s’éloigner avec une agilité stupéfiante pour leur masse, elle se dirigea vers l’entrée du bâtiment avant d’ouvrir sans s’annoncer : ceux qui vivaient là ne devaient pas avoir besoin d’avertissement.
L’Impératrice fit ensuite quelques pas à l’intérieur de l’édifice sans pour autant révéler son visage. Elle avisa un garde sans doute laissé là pour la guider et se dirigea vers lui sans hésitation. Ses mouvements volontaires mais en tout point gracieux, elle semblait glisser au dessus du tapis plutôt que de marcher. D’une voix douce elle enjoignit la sentinelle de lui montrer le chemin. L’homme, bien que la dépassant des épaules et de la tête, resta un instant figé avant d’obéir, comme son Maître le lui avait ordonné quelques minutes auparavant.
Arrivée au sommet des escaliers, Constance remercia d’un hochement de tête son guide avant de poser une longue main blanche sur la poignée de la porte et d’entrer sans plus de cérémonie. La salle était telle qu’elle l’avait perçue lors du premier accord entre l’Empire et la Tribu. Décoration flamboyante et riche, grands fauteuils, tapis stratadites… La Dame se défit de sa cape avant de l’abandonner négligemment et avec un naturel désarmant sur le dossier d’un fauteuil où elle posa la main. Puis elle tourna son beau visage enfin dévoilé vers son hôte d’un soir pour l’observer d’un air curieux, un sourire calme sur les lèvres. Car après tout, c’était la première fois qu’elle le voyait en personne, de ses propres yeux, sans artifice…

"Je vous souhaite le bonsoir, messire. Une belle soirée pour une réunion, quoiqu’un peu étrange. Les années passent si vite, vous ne croyez pas ? Un an déjà depuis la dernière fois…"

[ Mais de rien, je me suis rappelé d'une lointaine discussion sur MSN ]

Aaron, qui regardait par la fenêtre, avait lui aussi jeté un oeil au temps. Il est vrai que l'Automne apportait son lot de pluie et de mauvais temps.Mais Aaron se contrefichait de la pluie, en fait, il l'aimait plutôt bien. Se ballader sous la pluie était un plaisir pour lui, et il n'hésitait pas à sortir en pleine rue et ce en pleine nuit pour profiter de la bienfaisance de la salvation que procurait une pluie. Il avait levé le regard vers la Lune, cette lune qu'il appréciait tant aussi. Elle avait le don d'apaiser ses blessures, surtout celle engendrée par les évènenements de son enfance. Elle était une confidente idéale semblant compatir à tout ce qui pouvait lui arriver. Mais ce soir, il ne lui adressait pas un sourire triste, mais un véritable sourire. Il venait de se passer ce qu'il attendait depuis trois ans maintenant... Au fond, peut-être aurait-il du demander plus tôt... Non... Les choses s'étaient passées comme elles avaient du se passées et c'était bien ainsi... Il repensa aux nombreux rêves qu'il avait fait la nuit... Son sommeil perturbé par ses visions d'Aldébarane... Parfois des cauchemards lorsqu'il la voyait morte...baignant dans une mare de sang, son propre sang à elle...

Il secoua la tête pour chasser ces mauvais souvenirs et préféra revenir à la réalité. Dans la pénombre, on pouvait distinguer un petit détachement se profiler au bout du champ de vision d'Aaron. L'Impératrice arrivait sous bonne escorte, ou peut-être son fameux représentant... Lorsqu'elle arriva en bas, il sut que ce n'était pas lui... Un soupir de soulagement, car si cela avait été lui, il pensait qu'il l'aurait tué pour de bon cette fois...Quitte à éliminer les quatre Dragons et envoyer une missive à l'Impératrice lui indiquant que sa délégation n'était jamais arrivée. Il aurait bien sur mis en scène une embuscade par une vingtaine de mercenaires et le tour aurait été joué. Après tout, sans preuves... On ne peut juger. De là, il attendit que l'un de ses hommes l'emmène jusqu'à lui, ce qui ne tarda d'ailleurs pas. La porte du bureau s'ouvrit, il se tourna pour voir l'Impératrice poser négligement sa cape et sa main sur un des fauteuils de la pièce. La voix de l'Impératrice résonna dans la pièce et Aaron l'acceuillit dans un sourire, son regard ambré dénotant une lueur de surprise. C'était la première fois que l'Impératrice venait à visage découvert... Une attention appréciable depuis l'année dernière.

" - Bonsoir à vous Impératrice. Effectivement c'est une bien belle soirée. Quand au Temps, tout n'est question que de point de vue... Le trajet n'a pas été trop long ? Puis-je vous offrir à boire ?"

Devant l'initiative de l'Impératrice, Aaron avait consenti de tout reprendre à zéro, de bonnes bases étaient le début de bonnes relations.

Le visage du jeune maître de la Tribu était franc et ouvert. Son sourire avait tout à fait l’air honnête. C’était étonnant pour quelqu’un qui se voulait l’un des personnages influents de l’underground Nevan… C’était en fait d’autant plus étonnant pour quelqu’un dans sa branche. La plupart des espions de l’Empire étaient sombres et prompts à déguiser leurs actions et sentiments. Quant aux assassins, mieux valait ne pas en parler. Ils avaient leurs utilités mais leur faire confiance, pouvait être au moins aussi dangereux que d’être leur cible.
Aaron ne donnait pas cette impression. Et c’était même suspect. Soit il était tellement franc qu’il était difficile de concevoir qu’il soit encore en vie à l’heure qu’il est, soit c’était le meilleur comédien de l’Empire.
L’Impératrice restait donc sur ses gardes, mais elle restait intéressée. Plutôt intriguée peut-être. Les autres occasions ne lui avaient pas permis de cerner précisément Aaron. Il était toujours utile de bien connaître les autres joueurs dans le jeu du pouvoir. D’autant plus que l’Empire se devait de tremper dans les affaires de la Tribu, ne serait-ce que pour savoir ce que les autres compagnies fabriquaient.
Constance ne se départit pas de son sourire chaleureux et remercia d’un hochement poli de la tête son hôte avant de prendre place dans un second fauteuil avec une grâce et un naturel sans pareil. Sa main gauche commença à se porter machinalement au côté droit de son visage mais avant que ses doigts blancs eussent effleuré sa joue, elle sembla se reprendre et rabattre son avant bras sur ses genoux. L’Impératrice supprima un air agacé qui menaçait de s’installer sur ses traits si fins et répondit à Aaron.

« Le trajet s’est bien passé. Les rues sont désertes ces derniers temps. Les Lunes d’Ombre effraient les citoyens : trop d’événements inhabituels et dangereux. Rien de bien grave, les gens sont habitués à Neven, mais ce n’est jamais agréable, comme vous le savez. Heureusement, nous avons été épargnés sur le trajet. Un retard m’aurait fort contrariée : je tenais à ne pas me montrer discourtoise. »

Elle ajusta d’une main une mèche de cheveux qui n’avait aucun besoin de l’être. Elle était franche : elle ne voyait ni l’intérêt de mentir, ni le besoin de le cacher. Le mensonge n’était pas une seconde nature, pour elle, c’était juste une arme à employer à bon escient quand le moment était propice.

« Ceci dit, j’apprécierais un verre. Le trajet s’est déroulé sans encombre mais nous serons sans doute plus à l’aise pour discuter. Pourquoi se priver ? Nulle règle ne nous impose de passer un moment désagréable, n’est-ce pas ? »

Il était difficile d’en être certain, mais on aurait pu jurer que Constance avait fait un clin d’œil, si l’idée que l’Impératrice de Neven eut se laisser aller à ce genre de familiarité n’avait pas été si grotesque. Elle fit une moue délicate, prit un air pensif l’espace d’une seconde puis regarda Aaron dans les yeux, fixant sur lui un intense regard d’améthyste.

« Vous m’obligeriez tout particulièrement s’il s’avérait que vous aviez un blanc de Santorelli ou une liqueur althane quelque part dans votre cave. »

Une pause, aussi légère que l’hirondelle qui effleure une branche avant de replonger vers d’autres acrobaties aériennes. L’Impératrice agita la main d’un air navré.

« N’accordez cependant pas trop d’importance à mes caprices : je me contenterais tout aussi bien d’un simple verre d’eau. A force de devoir contenter divers ambassadeurs Dléthriles bedonnants, je me mets à m’aligner sur leurs goûts... »

Aaron avait affiché un visage on ne peut plus sincère et serein. En fait, il n'était pas très bon acteur, mais savait faire la part des choses entre un rendez vous, qui n'avait rien de franchement dangereux, et un assassinat à réaliser quand il en était le principal intéressé, avec la victime bien entendu. Il regarda l'Impératrice s'installer gracieusement dans le fauteuil et devait admettre qu'elle avait son charme. Enfin, c'était une femme inaccessible par son rang et aussi parce que le coeur d'Aaron était déjà pris, mais son beau-père lui avait déjà souvent répété : " Ce n'est pas parce que l'on est au régime, que l'on a pas le droit de regarder le menu ! ". Cela avait toujours fait rire Aaron, mais il ne pensait pas être un jour dans cette situation. Et voila qu'elle se présentait. Amusant comme la vie vous joue des tours parfois.
Elle évoqua un trajet tranquille, sans imprévus qui l'auraient contrariée, ne voulant être en retard. Aaron eut un sourire aimable et répondit :

" - Un léger retard ne m'aurait pas dérangé, des imprévus sont si souvent arrivés. "

Il s'était approché et s'était mis derrière son bureau lorsqu'elle lui confirma qu'elle apprécierait également un verre. Il lui sembla même qu'elle lui fit un clin d'oeil, mais malgré sa vivacité, il ne pouvait en être certain... Alors doucement, il répondit :

" - J'en conviens parfaitement, adjoignez l'agréable à l'utile et le temps paraîtra moins long, je vous l'accorde. "

Portant son regard d'ambre vers le yeux couleur améthyste de ceux de l'Impératrice. Aaron perdit un peu de son assurance... Elle semblait déterminée, du moins, elle n'était pas du genre à plier facilement sur une question ou une autre, et il fallut un léger instant à Aaron pour reprendre son assurance d'avant... Ou presque... On restait toujours marqué par ce genre d'échange de regards... Lorsqu'elle lui confia ses gouts, puis les causes, Aaron eut un léger sourire :

" - Ne vous en faites pas Mattie aura surement de quoi combler vos désirs. "

Il s'approcha de la porte l'entrouvrit et murmura au garde de ramener un verre de blanc de Santorelli et un verre de lait. Fermant la porte, Aaron eut un air satisfait :

" - Et bien, il n'y a pas à attendre longtemps. Permettez que je reste près de la porte, n'y voyez pas là que je n'ose pas m'approcher de vous, mais les verres ne vont pas tarder... "

Il eut un sourire franc et on aurait presque dit un gamin...

Aucune faille dans l’apparente franchise de l’espion, aussi bien dans la gestuelle que dans le regard... Constance restait perplexe, même si elle le cachait avec brio derrière son plus beau sourire, ce sourire qui laisse généralement les hommes sans voix. Le maître de la Tribu serait-il réellement aussi ouvert ? On lui avait bien rapporté qu’il était particulier, dans son genre, une sorte d’inclassable parmi les êtres de la nuit qui partageaient son métier. L’Impératrice devait bien avouer ne pas s’être attendue à ça.
Elle se demandait déjà en quoi cela pouvait influer sur les accords passés entre l’Empire et cette compagnie d’espions et assassins. Il faudrait tenir compte de la personnalité du chef de la tribu dans toutes les affaires la concernant. Cela pouvait compliquer les choses : pour tout mystérieux que les espions plus « classiques » puissent être, sortis du même moule, ils restaient assez prévisibles et leurs actions suivaient souvent les mêmes schémas. Le caractère du jeune homme impliquait qu’il faudrait recueillir plus d’informations sur lui et se méfier des suppositions hâtives.
L’impératrice se maudit presque de ne pas avoir fait plus attention à ces détails au cours des années précédentes. Les rapports de son émissaire et quelques faits curieux dans les agissements de la Tribu trahissaient une particularité mais Constance avait eu d’autres préoccupations plus urgentes…
Elle répondit donc à Aaron aussi naturellement que possible, poussant ces préoccupations secondaires vers un recoin de son esprit pour le moment.

"C’est très aimable à vous, ne vous excusez pas, surtout. Je vous suis fort reconnaissante pour le soin que vous accordez à la nature privée de ma venue ici. Il n’y a aucun risque que je me méprenne. Vous avez déjà fait preuve de votre hardiesse par la seule mise en place de votre organisation. Si vous aviez peur de moi, nous n’aurions sans doute jamais pu faire affaire…"

Constance changea sa position dans le fauteuil pour pouvoir garder les yeux sur Aaron sans devoir tourner la tête puis elle croisa les jambes, satisfaite. Elle était totalement sincère sur les deux points. Elle préférait bien entendu que sa venue ici reste aussi discrète que possible. Ceux que ça intéresserait le sauraient tôt ou tard, mais il ne servait à rien de leur faciliter le travail, d’autant plus qu’elle préférait que les citoyens de Neven ne soient pas capables de la reconnaître au premier coup d’œil… Deuxièmement, créer sous le nez de la Tour Noire un nid d’assassins et d’espions était une manœuvre osée qui méritait, sinon l’admiration, au moins l’intérêt de la Dame. C’était à la fois irritant et presque agréable pour le changement que cela apportait. Elle garda le silence un court instant, avant de reprendre dans un sourire navré particulièrement convainquant et charmant :

"Je voulais profiter de cet instant pour vous présenter mes excuses pour l’attitude du représentant que vous avez reçu l’année passée. Si elle a été désobligeante, je vous prie de lui pardonner. Des affaires d’état réclamaient mon attention loin de Neven et il m’a été impossible de faire autrement."

L’Impératrice semblait réellement désolée. Elle secoua la tête gracieusement en signe d’impuissance, comme navrée que par sa faute son hôte ait pu se sentir agressé.
Cette fois, pourtant, pas question de sincérité. Les excuses ne coûtaient rien et avaient souvent un effet positif et apaisant. D’autant plus que ladite émissaire agissait sur ordre de l’Impératrice qui voulait pouvoir jauger les réactions de ses « partenaires commerciaux ». Cala n’avait pas eu besoin de trop forcer le naturel pour paraître excentrique au plus haut point, sans toutefois s’avérer offensante ou insultante, bien sûr : s’aliéner un potentiel allié serait foncièrement stupide…

S’étant adossé au mur situé près de la grande porte, il croisa les bras et posa son regard sur l’Impératrice. Il se doutait que plus d’un avait du subir quelques désagréments plus ou moins mortels pour poser ainsi leurs regards sur elle. Mais il ne la dévisageait pas, il la regardait simplement, en fait, son regard était un peu dans le vague… Il ne voulait pas entamer les discussions de principes tout de suite, du moins pas avant que les verres n’arrivent. Il sourit à la réponse de l’Impératrice… Oh, il n’y avait aucun doute, elle avait l’art de savoir parler avec diplomatie et finesse… Quel meilleur moyen de lui faire savoir qu’elle n’appréciait pas trop sa présence mais qu’elle comptait bien s’en servir maintenant qu’il était là…

« - Merci du compliment, mais je ne doute pas que si vous l’aviez vraiment voulu, vous auriez pu faire réduire la Tribu au silence, alors qu’elle n’était qu’à ses premiers balbutiements. »

* D’ailleurs quelqu’un avait pensé y arriver…*

Pensa-t-il sans pour autant qu’une lueur ou tout autre signe physiologique puisse trahir ce genre de pensée, qui avait le don de l’amuser, puisque cette tentative avait définitivement scellée la naissance de la Tribu ainsi que le rapprochement entre deux être lié à présent d’un amour presque sans bornes…
Il la regarda ensuite changer de position sur son fauteuil, toujours sans vraiment la regarder. Il attendait le moment où il entendrait son homme de main approcher avec les consommations. Mais avant qu’il n’arrive, l’Impératrice avait prit un sourire navré, ainsi que des paroles qui le sortirent de son écoute. Posant alors son regard ambré dans celui d’améthyste, il répondit, souriant et franc :

« - Je peux comprendre que vous ne pouvez pas être présent partout à la fois, votre charge est plus prenante que la mienne. Quand à votre ambassadrice, disons qu’elle n’a rien fait sur quoi on ne peut passer l’éponge, donc vous n’avez pas à vous excuser. »

Aaron ne le pensait pas vraiment, ou du moins la seconde partie de sa réponse… Oui, il n’avait pas vraiment apprécié l’ambassadrice, mais il ne laissa rien apparaitre, préférant qu’elle pense que tout recommençait à zéro, et puis après tout, elle avait fait l’effort de se présenter cette fois-ci… Elle devait bien mériter une seconde chance, et se mettre à dos la Lame n’était pas vraiment dans ses plans, pas encore… Soudain, il entendit l’un de ses hommes approcher, ouvrant la porte, il récupéra le plateau qu’il portait et referma la porte. S’approchant de l’Impératrice, il lui tendit le plateau sur lequel étaient posés deux verres, l’un contenant le blanc de Santorelli et l’autre du lait. Une fois qu’elle s’était servi, il prit l’autre verre et le posa en face du fauteuil qui était à côté de l’Impératrice. Il déposa le plateau sur un petit meuble près de la porte et vint s’installer. Levant son verre de lait pour trinquer, comme le voulait une certaine époque lointaine, son regard recroisant les améthystes, il dit de bon cœur :

« - Santé ! »

Après avoir bu une gorgée de lait, il reposa le verre et se tourna à nouveau vers l’Impératrice :

« - Vous avez rapporté le Cryptex de l’année qui s’achève ? »

Les échanges de politesses étaient généralement le lot commun de ce genre de réunion. Constance avait d’ailleurs généralement horreur de cela. Il eut en général été tellement plus facile de se servir sans passer par des intermédiaires. Malheureusement, une des nombreuses contraintes qu’elle s’imposait était de respecter un certain protocole. Cela assurait la pérennité de ses entreprises. Or elle bâtissait pour durer : elle ne voulait pas que d’anciens litiges viennent ruiner une situation potentiellement délicate. Après tout, conquérir le monde, ou du moins une bonne partie de celui-ci, faisait suffisamment d’ennemis et de jaloux. Un faux pas stupide pouvait tout faire basculer vers la catastrophe et si Constance savait éviter un défaut, c’était bien la stupidité.
La conversation continuait donc selon le modèle traditionnel emplie, paradoxalement, de respect et d’hypocrisie latente. Pourtant, en cette occasion, Constance éprouvait moins de difficultés à composer avec son interlocuteur. Loin d’être idiot, c’était quelqu’un qui avait le mérite de s’être élevé à sa position à la force de ses propres bras et non par la qualité du sang qui coulait dans ses veines. Il n’était visiblement pas dupe de la position de l’Empire face à la Tribu. Autant de points positifs qui rendaient Aaron, sinon sympathique, au moins de bonne compagnie. Constance était presque détendue, selon ses critères particuliers, ce qui ne veut pas forcément dire grand-chose pour le commun des mortels. Disons qu’elle n’était pour une fois que modérément paranoïaque comme la suite le montrera.
Elle répondit donc par un discret hochement de tête et un sourire entendu au commentaire gracieux du maître espion qui déclarait ne pas s’être senti offensé outre mesure de l’attitude de l’émissaire. Avouer avoir été offensé serait revenu à perdre la face. Rire de la situation et l’ignorer au contraire affirmait la maîtrise de l’espion. Au moins il connaissait les règles du jeu, ce qui était appréciable.

"Vous êtes bien aimable. Il aurait été fort fâcheux qu’un malheureux malentendu eut provoqué un ressentiment réciproque alors que nous avons tellement à gagner en conservant des rapports sains et courtois."

Constance ne menaçait pas son interlocuteur. En général elle n’en avait pas besoin car tous sauf les plus idiots étaient conscients des dangers que représentait une Impératrice contrariée. Et Aaron ne semblait pas se ranger dans la catégorie de ceux à qui il faut mettre les points sur les i. Au contraire, la Dame était franche : la Tribu était utile à sa façon. En plus, discuter avec l’espion était une distraction intéressante. Une lueur d’amusement passa fugacement dans son regard violet si troublant avant d’être à moitié masquée : les vieilles habitudes ont la vie dure.
C’est cet instant que choisit l’homme d’Aaron pour revenir avec les boissons demandées. Constance n’avait pas cessé de sonder l’endroit pour conserver dans son esprit les déplacements du subalterne : encore une vieille habitude. Elle avait en particulier appris que l’endroit n’était pas protégé. Sinon rien qu’un comportement très banal.
Elle haussa toutefois un fin sourcil surpris en apercevant le contenu du verre d’Aaron. Un buveur de lait. La Dame jeta brièvement un regard interrogateur à son interlocuteur. Elle ne s’était pas attendue à ça. Pourquoi pas après tout ? C’était seulement curieux quand on comparait cela à l’image habituelle du mercenaire et en particulier au type de personnage qui se prélassait actuellement dans toutes les tavernes de la ville.
Elle se saisit pourtant gracieusement de son verre en un geste fluide et se fendit à nouveau d’une fraction d’inclinaison de la tête en remerciement muet. Lorsque l’espion eut réintégré un siège _et elle nota qu’il avait opté pour celui qui côtoyait le sien plutôt que de s’installer de l’autre côté du bureau_ elle l’observa à nouveau. Il semblait détendu. Difficile à dire avec quelqu’un qui gagnait sa vie par la tromperie et la furtivité, mais il ne semblait pas avoir de mauvaises intentions. Constance se détendit légèrement. Elle avait noté qu’on n’apportait pas une bouteille scellée, gage habituel que la boisson ne pouvait être empoisonnée. Non qu’elle fût particulièrement inquiète. Elle avait la capacité de déceler et de se prévenir contre ce genre d’agression. Elle notait simplement une différence de protocole. De même la coutume à laquelle il faisait allusion n’était pas très prisée par l’Impératrice. Une habitude ancienne qu’elle n’avait jamais prise. Elle sacrifia pourtant au rituel, ne voyant aucun intérêt à rejeter la proposition de son hôte. Et risquant au passage de mélanger du lait dans son vin…
La Dame suivit donc l’exemple d’Aaron et but une gorgée de sa boisson après l’avoir vérifiée magiquement discrètement en quête de poison. Ce n’était même pas une question de confiance ; plus un réflexe dicté par l’instinct de survie qui lui avait permis de traverser près de quatre siècles sans mourir trop souvent.
L’alcool était de très bonne qualité. N’étant pas particulièrement experte, elle ne pouvait pas déterminer avec précision l’origine et l’histoire de ce vin ; pour elle, il était suffisamment plaisant et c’était tout ce qu’elle lui demandait. Elle savoura le nectar sucré et fruité quelques instants, fermant les yeux pour apprécier pleinement tout l’arôme du Santorelli et la douce chaleur qu’il apportait.
Elle garda son verre à la main pour répondre à Aaron.

"Tout à fait. Le voila, comme convenu."

Joignant le geste à la parole, elle désigna un coin du bureau baigné d’ombres mouvantes qui parurent se retirer langoureusement pour découvrir ledit Cryptex. Constance aurait pu employer une méthode plus conventionnelle pour le remettre à l’espion mais elle appréciait les mises en scène. Bien qu’il ne lui arrivât que rarement de frimer, elle n’avait pour une fois pas pu se retenir. Un demi sourire énigmatique plissa délicatement ses adorables lèvres. L’impératrice était une grande amatrice d’ironie. Et il lui arrivait de l’apprécier même quand il s’avérait qu’elle en était le sujet… De temps en temps du moins… Cela l’aidait à rester vigilante.

"Une petite merveille que cela. Et réalisé sans une once de magie, avec ça…"