Un déjeuner ... consistant.

Ruendor avait mis peu de temps pour remonter jusqu'à la deuxième enceinte, mais l'activité permanente qui régnait dans les rues de ladite enceinte l'avait empêché d'avancer à rythme soutenu. Ayant toujours Ida sur l'épaule, il ouvrit sans mal la lourde porte en chêne de la taverne et passa d'autant plus difficilement qu'il avait oublié de poser la petite avant de rentrer.

Tout le monde regarda la scène d'un air ahuri ... On connaissait Ruendor pour sa taille et sa résistance aux boissons assez avancée, mais son coté paternel était resté presque inconnu aux yeux de la majorité. Posant Ida à terre, il la laissa marcher devant alors qu'il choisissait une table pour quatre, dans un coin de l'auberge, près du feu de bois.

L'automne morne s'oubliait bien vite près de ce genre de petits bonheurs de la vie quotidienne. S'asseyant sur un tabouret trop petit pour lui, il regarda le feu de ses yeux rougeoyants, puis Ida. Sans y réfêchir il lui adressa un grand sourire ... Cette petite il l'avait déjà adoptée fallait-il croire.

Perchée sur l’épaule de Ruendor, elle regardait tout le monde avec un air assez méfiant. Même si elle savait bien que ce titan au cœur tendre ne la laisserait pas entre de mauvaises mains, la foule n’avait été sa tasse de thé. Elle regarda les alentours et réfléchit durant le « voyage ». Elle avait été sauvée par Konrad, homme dont elle ne savait pas grand-chose mais pour qui elle entretenait une grande admiration, peut-être même plus grande qu’elle ne pouvait la soupçonner.
Elle était à présent sur l’épaule d’un membre d’Automne, un homme impressionnant et effrayant au premier abord mais réellement doux lorsqu’on le connaissait un peu mieux.

Lorsqu’il ouvrit la porte de la taverne, des odeurs de cuisine, d’alcool et d’autres choses sur lesquelles Ida n’arrivait pas à mettre un nom. Les gens semblaient comme paralysés, leurs yeux ressemblaient à ceux des chouettes tant ils étaient écarquillés. Ida, en présence d’inconnus, se recroquevilla légèrement sur elle-même et même sur Ruendor.

Mais il la saisit sans aucun mal et la posa avec délicatesse au sol. Elle se dégourdit un peu les jambes avant de s’avancer elle-même vers la table qu’avait choisit Ruendor et se débrouilla pour s’asseoir sur un tabouret. La douce chaleur de l’âtre lui faisait le plus grand bien et en tournant la tête vers l’homme, elle vit qu’il lui souriait. Elle eu un petit sourire furtif, elle aussi, toujours intimidée par toutes ces personnes autour.

Certes, elle était déjà passée devant cette taverne, s’imprégnant des bruits mais jamais elle n’avait pu se faufiler à l’intérieure, elle aurait, de toute façon, été mise dehors.
Les yeux rivés sur la cheminée, elle gardait ses mains jointes sur ses genoux, dans une attitude réservée.

Ruendor détourna le regard pour voir une des serveuses arriver, l'ambiance était assez calme aujourd'hui. Cela ne faisait qu'encore plus la joie de Ruendor qui pourrait ainsi habituer Ida à la vie des fleurs sans pour autant la perturber. Avec un grand sourire, il commanda à la serveuse une potée du chasseur avec une choppe de bière pour lui et "de quoi faire d'elle une grande femme"'. Autrement dit un bon plat avec un pichet de lait, cela lui plairait certainement pensa t-il. Il pouvait bien entendu se tromper, mais sur ce coup là il ne pensait pas être loin de la vérité.

En attendant les plat, il détailla à nouveau la petite protégée, avant de regarder les personnes dans la salle. Plus personne ne faisait attention à eux, ils étaient libres de leurs mouvements. Bref, le mouvement de foule habituel lorsque vous entrez dans une taverne.

Le géant sorti de sa besace une longue pipe en bois de rose qu'il bourra d'un tabac aux arômes puissants et rappelant l'odeur du bois brulant dans l'âtre. Avec dextérité il l'alluma avec un tison et tira une bonne bouffée de fumée en laissant son regard divaguer.

Assise, elle regardait du coin de l’œil toute la foule, les éclats de rire qui résonnaient entre hommes. Il semblait à Ida qu’elle était la seule fille ici, mis à part les serveuses, bien sûr. Une d’entre elles approcha même, la regarda un petit instant, l’air étonnée de voir une si petite fille ici puis s’éloigna après que Ruendor lui ai parlé.

Elle aurait volontiers discuté avec lui mais les mots ne venaient qu’en Lespuréen, langue qu’il ne comprenait pas, bien sûr. Les vagues de gens étaient régulières, cela partait parfois imbibé et vacillant, mais tant que c’était encore sur pied… Le fait qu’il la regarde avec insistance lui fit relever la tête vers lui. Ida avait eu l’occasion de bien le détailler sous la cape de Konrad. Dans ses yeux persistait cette lueur enfantine qui ne l’avait jamais quittée malgré le fait qu’elle avait du se débrouiller, peut-être grandir un peu trop vite…

Mais à son tour, elle détailla avec précision ce qu’il venait de sortir. Une pipe qu’il garnit de ce qui avait l’apparence de feuilles séchées. Elle plissa légèrement les yeux alors qu’il l’allumait, provoquant un petit crépitement si discret qu’il en était presque impossible à déceler parmi les bruits de la taverne. Les morceaux se consumaient avec une petite couleur rougeoyante.

Réprimant un petit bâillement, elle remit une mèche de ses cheveux sombres derrière ses oreilles pour avoir la vue totalement dégagée et vit revenir la serveuse qui semblait nourrie à la crème qui leur apporta ce qu’avait demandé Ruendor. Le visage de la petite Ida s’illumina devant tant de victuailles, elle qui n’avait pas mangé comme ça depuis fort longtemps.

Il ne put empêcher un large sourire en voyant les yeux de la jeune fille s'illuminer. Elle ne devait pas avoir vu ce genre de mets depuis quelque temps. C'était quasiment la même chose que la potée qu'on lui avait servit, avec un peu moins de viande cependant. Prenant un couteau qui pendait à sa ceinture, il dit d'un ton satisfait:

- Bon appétit Ida.

Dit-il en coupant un large morceau de viande cuite dans le jus de la potée. C'était succulent à ses yeux et son visage le fit bien comprendre. En plus, le connaissant le cuisinier n'avait pas lésiné sur la dose, il avait un bon plat pour pas très cher. Savourant sa viande, il posa son couteau et avala une lampée de bière, la mousse se déposant sur sa moustache blonde.

Ida le regarda alors qu’il se servait largement en lui disant quelque chose qui ressemblait à une formule, où quelque chose dans le genre. Elle se contenta de faire oui de la tête et entama elle aussi. Elle tentait de ne pas montrer sa faim et passer pour une gloutonne en mangeant avec très bon appétit. Combien de temps avait-elle attendu pour manger quelque chose de bon comme ce qui venait de lui être servi ?

Sans doute tout le début de sa petite vie. Les yeux un peu dans le vague, sentant son estomac lui réclamer toujours moins à chaque bouchée, elle releva ensuite ses yeux lumineux vers Ruendor et sourit en voyant la mousse qui s’était déposée sur sa moustache.

Elle ne mit pas longtemps à attirer son attention et d’un petit geste de la main, lui faire comprendre qu’il y avait intrusion sur ces fières moustaches. Laissant échapper un rire qui ressembla plus à un mime car aucun son ne sortir de sa gorge.

Reprenant son festin, elle mangeait plus que sa faim le demandait, se rendant compte de son air un peu trop maigrichon. Il fallait qu’elle s’étoffe un peu, son allure de spectre lui faisait peur, même à elle. Son silence obligatoire la mettait tout de même un peu mal à l’aise et ce malaise se lisait dans ses yeux qui semblaient deux miroirs où se reflétaient les flammes de la cheminée.

Elle mangeait de bon train la petite ! Bon, elle avait aussi rit silencieusement des réserves provisoires de boissons qu'il avait fait dans sa moustache. D'un rapide appâge de la machoire inférieure, la moustache était propre. L'air tout fier, il en rajoutait un peu, il reprit son plat avec appétit. Pas autant que sa compagne de table, mais quand même pas sans se retenir.

Bref, le repas se passait avec entrain et un silence bienveillant étant donné la quasi-sacralité d'une potée du Chasseur. Il était vraiment friand de ce plat qui contenait tout ce qu'il aimait, viande, un peu de légumes et un bon bouillon.

A un rythme plus lent, elle voyait la quantité diminuer devant ses yeux mais avec une certaine satisfaction, sentait son estomac s’alourdir un peu plus. Un petit sourire content comme accroché sur ses lèvres, elle acheva ce qu’on lui avait donné avec de grands yeux. Comment avait-elle pu avaler tout ça ? La quantité lui avait semblée plus que large et pourtant le plat était à présent vide.

Pour conclure en beauté ce festin, elle avala par petites gorgées le lait du pichet. Soupirant silencieusement, elle posa une main sur son estomac, signifiant qu’elle avait merveilleusement bien mangé. Regardant Ruendor avec un petit sourire, elle aurait bien voulu le remercier, rester ainsi la gênait beaucoup. La politesse, quoique peu enseignée chez les gens comme elle, était une chose qui lui avait toujours paru important.

Elle se redressa un peu sur son tabouret et inclina bas sa tête pour le remercier du repas qu’il venait de lui offrir. Elle en avait rêvé en passant dans les ruelles où donnaient des cuisines dont les odeurs réveillaient la faim de la jeune Ida et qui s’en allait bredouille, le ventre criant famine.

Un jour comme ça, Ida s’en souviendrait longtemps, sans doute tout au long de sa vie. Elle avait, inconsciemment, rivé ses yeux vers les flammes, le regard dans le vague et un visage neutre, sans expression.

*Si c’est un rêve… Je ne veux jamais me réveiller.*

Il avait également fini son repas avec une grande gorgée de bière, demandant une autre choppe. La petite Ida semblait repue et c'était un grand soulagement, elle se leva sur son tabouret et fit un geste dont il ne comprit par la signification, mais ses yeux bleux était plein de gratitude. Avec un léger rire il lui tapota la tête de sa grande main (battoir ?).

Puis, rallumant sa pipe avec un tisonnier, il exhala une grande boufée de fumée. Bien calé sur son tabouret, il acceuilla sa deuxième choppe avec un grand sourire. Bientôt il laissa ressortir une série de ronds de fumée bien compacts. Avec malice il les dirigeait vers le regard de la jeune femme. Pour les faire passer entre ses yeux et l'image du feu de cheminée.

Plus qu'un jeu, il commençait déjà -tel un bon second- à la tester pour voir ses capacités innées. C'était plus fort que lui, il voulait savoir de quoi elle était capable.

Ida le vit rire et sur sa tête, sentit une main, immense. Elle eu un petit frisson mais resta droite avant d’observer ses gestes précis pour allumer une fois de plus sa pipe en bois. Par un petit mouvement de tête, elle la regarda mieux, sous différents angles. Elle la trouvait particulièrement jolie, d’abord pour sa forme simple mais aussi pour sa couleur.

Elle regarda les ronds et fronça les sourcils. Elle décala juste sa tête pour ne pas la recevoir dans les yeux, elle qui n’aimait pas trop ça. Mais elle capta légèrement l’odeur de la fumée et plissa légèrement le nez. Ca la picotait légèrement.

Tournant la tête vers lui, elle souleva un sourcil, comme pour lui demander pourquoi il faisait ça, que c’était drôle mais incompréhensible. Elle aimait bien cette odeur, du fait que cela ressemblait à l’odeur du feu mais à côté de ça, il y avait quelque chose de plus fort, qui la piquait légèrement.

Elle se rassit, tranquillement, comme si de rien était et observa la nouvelle choppe qui venait d’être posée devant Ruendor. Elle avait toujours aimé l’apparence de la bière. Cette mousse qui paraissait si légère et voluptueuse, ces bulles qui remontaient vers la surface…

Il remarqua qu'elle observait avec attention la bière ... Une future alcoolique plaisanta t-il intérieurement tout en arborant un demi-sourire, qu'il complêta par une rasade de bière bien fraîche. C'était toujours aussi bon après un repas de ce genre et il ressortirait repu, prêt à l'action en quelque sorte.

Regardant l'âtre puis les gens autour, il tirait de grandes et profondes bouffées de fumée, ce tabac était prisé par son peuple et il avait appris à l'apprécier très jeune. Comme il se devait dans la noblesse Ulmèdane.

Regardant de nouveau la serveuse il lui fit le signe habituel pour l'addition, car maintenant qu'ils avaient mangés, il n'y vait pas grand chose d'autre à faire dans cette taverne, toute confortable et chaleureuse soit-elle.

Elle le trouvait quand même très chaleureux, rien que par le fait qu’il avait toujours au moins une bribe de sourire sur les lèvres. Ida, quant à elle, se contentait à présent de son visage sans expression, regardant autour d’elle les gens attablés qui leurs jetaient eux aussi, parfois, des regards un peu intrigués.

La jeune enfant avait l’impression que le tabac qu’il prenait le mettait dans un état à la limite de la léthargie. Ses yeux se perdaient dans le vague, comme si il pensait, et enfin, il revenait à lui-même, sous les yeux curieux d’Ida.

Elle se demanda tout d’abord pour qui était se signe et elle pencha une fois de plus un peu sa tête sur le côté, ses cheveux glissants de sur ses épaules et quelques mèches venant barrer son visage. Tournant la tête, elle vit la serveuse s’approcher et enfin, donner l’addition à Ruendor.

Ida se sentit un peu mal à l’aise. Il lui avait offert ce repas alors qu’il n’en était pas obligé, et ce mutisme dont elle faisait preuve lui paru alors extrêmement malpoli. Elle se mit à se tortiller légèrement sur ce tabouret, les mains jointes sur ses cuisses et la tête basse et relevant parfois ses yeux vers Ruendor.

Il commençait a se perdre a nouveau dans ses pensées ... L'entraînement des Fleurs était bon, mais faire une petite session surprise ne serait-ce que pour le corps armé dans lequel il était avant d'être nommé second. Les Ononis méritaient toute son attention, mais cette fois il devrait leur proposer un vrai défi,quelque chose de palpitant.

Enfin, une volute de fumée atterissant dans son oeil le sortit de sa léthargie. Avec un grognement onomatopesque, il se frotta l'oeil brièvement. Puis son regard se reposa sur Ida ...Une autre des priorités de Trois-yeux serait bien d'apprendre à Ida comment parler le Nevan, cela pourrait être très utile par la suite. De plus au fond de lui il n'excluait pas de commencer son entraînement une fois qu'elle serait en pleine capacité physique. Mais pour exêcuter cela, il devrait déjà lui apprendre le Nevan.

Donc, concernant le "cas" Ida, la série d'objectifs était selon lui déjà tracée. Avec une pensée pour l'acceuil que ferait les autres Fleurs à Ida ... Il eut un grand sourire car cette petite avait tout de la mascotte rêvée pour Automne. A ne pas négliger cependant qu'elle pourrait plus tard être une combattante à part entière.

Mais trève de discussions, la note arriva. Deux bon repas faisait 4 pièces, deux bières 4 pièces également et le pichet de lait avait été offert par la serveuse déjà attendrie par la petite. Avec un grand sourire de remerciement, il confia les 8 pièces à la serveuse.

Elle trouvait que Ruendor était vraiment très drôle quand il partait dans ses pensées. Ses paupières se baissaient légèrement et il relevait légèrement le menton, les traits concentrés. Il devait penser à quelque chose de très sérieux vu l’air qu’il prenait. Ida se demandait bien quoi.

Les deux prunelles d’Ida se promenaient tranquillement sur les visages, les murs de la taverne, les serveuses qui s’affairaient et une qui semblait lui lancer des sourires presque tout le temps. Ida avait conclut que le mieux était d’afficher un petit sourire tout le temps était la meilleure des stratégies. Ne surtout pas s’attirer de problèmes, pas maintenant.

Elle tourna la tête en entendant un grognement qui la fit presque bondir au plafond. Le géant était réellement effrayant parfois… Il l’observait avec une telle intensité, qu’elle en perdit même son sourire et se recroquevilla imperceptiblement sur elle-même. Elle ne savait pas vraiment si c’était la réponse de Ruendor face à ce mouvement mais son sourire la détendit.

A peine les pièces préparées pour la serveuse, leurs reflets dorés allaient colorer légèrement les deux petits miroirs d’Ida. Ses yeux où persistaient quelques notes métalliques semblaient briller étrangement. Tout cet argent… C’était presque choquant pour la petite fille.

Ruendor semblait bien connaître cet endroit et en guise de remerciement pour la serveuse, elle lui offrit un petit sourire dont elle avait le secret et qui l’avait aidé de bien nombreuses fois à se sortir de mauvaises passes. La tête baissée, le cou découvert, ses yeux vers ceux de la serveuse et un petit sourire enfantin.

Dans ce cas présent, ce n’était pas une ruse mais l’une des meilleures façon qu’elle avait de montrer sa reconnaissance. Gardant cette même expression, elle tourna simplement son regard vers Ruendor.

Bien. Il allait être temps de faire voir le Quartier Général à la nouvelle venue chez Automne, il devait de toute façon aller plancher sur la gestion de la compagnie. Avec une grande douceur, il posa une main sur la tête d'Ida qui venait de tourner vers lui un regard désarmant de tendresse. Décidement il n'était pas grand chose face aux gamins ... Pouvait-on seulement lui reprocher ? Il n'en était pas si sûr, loin de là. Sortant d'une tragédie familliale il avait retrouvé dans un petit village Nevan la quiétude et la joie de vivre, d'avoir des amis et une raison de les protéger. C'était un peu pour cela qu'il avait choisit cette vie aussi.

Extrapolant sur la petite fille qui l'accompagnait depuis les remparts, il se demandait comment elle avait pu en arriver là ... D'où provenait sa façon de voir le monde, si particulière et comment pouvait-elle ne pas être terrorisée par le regard sanglant du géant. Balayant d'une bravade silencieuse toutes ses interrogations, il tapota sa pipe sur le rebord de la table, laissant tomber le tabac brûlé dans sa main avant de le jeter au feu. Puis il rangea la pipe et se leva en échangeant deux ou trois mots avec un garde de la Lame de ses compagnons de beuverie. Puis il tendit sa main à Ida, l'air souriant et empli de confiance.

- Allez, il est temps d'y aller Ida.

La main qu'il posa sur sa tête la fit s'affaisser quelque peu. Malgré la douceur déployée pour faire ce geste, Ida avait une carrure fragile. Si cela avait eu lieu quelques heures auparavant, Ida aurait sûrement cru que le géant voulait l’écraser ou même lui dévisser la tête. Allez savoir ce qui trottait dans la tête de la petite fille. Il semblait tenter de la sonder et Ida n’aimait pas vraiment ça. Ses yeux, elle avait réussit à s’y « habituer ». Mais cette façon qu’il avait de la regarder, de la passer au peigne fin, Ida se sentait très mal à l’aise.

Il cessa soudainement et vida ce qui restait dans sa pipe. Elle se doutait qu’il voulait s’en aller, rien que par ses mimiques. Alors qu’il se levait, Ida fit de même, se réfugiant presque contre lui. Etre assise aux côtés du géant lui offrait comme un bouclier invisible. Voir même plutôt visible si l’on regardait ce géant. Cette stature qu’il avait devait suffire à faire fuir une bonne partie des hostiles. Tout comme Konrad. Le Maître d’Automne avait tout de même plus tendance à faire trembler à l’annonce de son nom.

C’est alors que Ruendor lui tendit la main et qu’il lui prononça quelque chose de tout à fait incompréhensible pour elle, mis à part son prénom. Elle posa sa main dans celle de Ruendor. Sa ridicule petite main… C’en était presque humiliant de voir comme sa main tenait largement au creux de celle du géant aux yeux sanglants.

Elle garda ses réflexions pour elle, que pouvait elle bien faire d’autre, de toute manière… Elle resta près de lui, comme pour se fondre dans le tableau et que plus personne ne la regarde. Certains qui ne semblaient pas l’avoir vue se donnèrent moult coups de coudes et la regardèrent avec un drôle d’air auquel Ida répondit par son fameux regard pénétrant dont elle avait le secret avant de relever la tête vers Ruendor.